À l’occasion de la célébration de la 33e édition du Mois de l’histoire noirs-es à Montréal, le projet de photographie documentaire et contemporain de l’artiste visuelle et cinéaste haïtienne Phalonne Pierre Louis baptisé « Sere Bouboun » est exposé dans les murs du théâtre Aux Écuries. Cette exposition est ouverte au public du mardi au vendredi, jusqu’à la fin du mois de février.
Lors d’un entretien avec la rédaction de Passion Info Plus, Phalonne Pierre Louis a expliqué la portée de ce projet phare. “ Ce projet est né de ma rencontre avec une jeune fille de 17 ans que j’ai croisée dans une clinique mobile en 2018 à Hinche. Elle était venue se faire soigner parce qu’elle était grièvement brûlée aux fesses après avoir pris le bain de vapeur vaginal, ce qu’on appelle couramment le « dlo cho » en Haïti ”, retrace la vice-présidente de l’association KIT.
J’étais choquée de voir la gravité de ses blessures. J’ai décidé dès lors de mener ma petite enquête sur la pratique du « dlo cho ». J’ai voulu savoir ce que c’était, ce que cela impliquait, savoir pourquoi les femmes continuent de le prendre et aussi, pourquoi on ne pouvait pas se passer outre cette pratique dès qu’on accouche. Au fil des années, c’est devenu une vraie enquête, plus poussée, plus approfondie, a-t-elle poursuivi sur la question.
« Sere bouboun » est donc un projet de photographie documentaire et contemporain qui dresse le portrait intime de quelques personnes dans la communauté hinchoise qui nous aident à comprendre la tradition du bain de vapeur vaginal et les enjeux sociaux qui y sont liés. “ Travailler sur un tel projet implique de faire lumière sur une pratique ancestrale qui est toujours très présente en Haïti et à laquelle on attribue des vertus purificatrices, réparatrices et miraculeuses. Ça implique aussi de réunir la médecine traditionnelle et la médecine scientifique autour d’une même cause, de les amener sur un même terrain de travail, de conversation et de confrontation aussi ”, explique l’initiatrice du projet.
Phalonne nous confie qu’elle s’attend à ce que ce projet fasse son petit chemin tranquillement. Et aussi, un livre à son propos sortira sous peu, ce, qui est financé par le Fonds émergent de la photographie, lancé par la Fokal.
L’exposition
Il y a environ une vingtaine de photos du projet « Sere Bouboun » qui sont exposées au théâtre aux écuries. Selon ses explications, les critères de sélection étaient avant tout que les gens puissent appréhender le sujet puisqu’elle était en territoire inconnu. Même si le public était diversifié, mais n’empêche que beaucoup d’entre eux étaient venus à une découverte d’une pratique dont ils ignoraient l’existence jusque-là.
De ce fait, elle a souligné qu’elle a opté pour une sélection de photos qui racontent l’essence même de la chose, et qui permet aussi de saisir l’enjeu du sujet. “ J’étais tantôt dans la pure documentation et tantôt dans une photographie plus contemporaine ”, nous dit celle qui est membre de FotoKonbit, organisation regroupant des photographes haïtiens et étrangers.
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“ Je vis cette expérience avec beaucoup de fierté. J’ai passé cinq ans à travailler sur le projet et maintenant, je ne peux être plus que fière de pouvoir enfin le présenter au grand public. Le présenter en collaboration avec le mois de l’histoire des noirs-es à Montréal me ravit aussi parce que le mois de février est consacré à promouvoir et valoriser les œuvres de la communauté noire partout dans le monde et je pense que ce projet a toute sa place dans un tel contexte ”, a déclaré l’artiste visuelle ayant plusieurs expériences comme directrice de la photographie sur des films et des vidéos de création, sélectionnés dans des festivals internationaux de renom dont Sundance Film Festival, Locarno Film Festival, Clermont Ferrand, FESPACO…
Cette activité baptisée « Mois de l’histoire des noirs-es à Montréal » est l’initiative d’une organisation sans but lucratif créée afin de promouvoir les activités relatives aux différents aspects de l’histoire des communautés noires dans un esprit privilégiant autant les dimensions historiques que contemporaines.