On ne se cesse de mentionner le fait que de nombreuses personnes prennent d’assaut le métier de journaliste dans le pays. Pourtant, les produits du panier ne sont pas tous pourris. C’est le cas de Jean Paul Lundi, homme à plusieurs chapeaux, qui s’engage pour une autre pratique de la profession et se rend même dans des zones de province dans le but de former d’autres journalistes et aspirants-es.
La vie de Jean Paul Lundi
Un nom qui sonne fort. Ses reportages retentissent dans les tympans au quotidien pas seulement les lundis. Actuel journaliste à la Radio Télévision Caraïbes (RTVC), Jean Paul Lundi a vu le jour le 28 mars 1975, à Port-au-Prince d’une mère méritée.
Sans vouloir démentir les propos de l’auteur, les hommes ne sont pas toujours le produit de leur milieu. À titre d’exemple, Jean Paul Lundi qui est aujourd’hui un professionnel de la communication, journaliste, juriste, professeur d’écriture journalistique et reportage…a pu être né dans un quartier situé entre Delmas 2 et 4 nommé « Kafou 3 ». Pas besoin de faire un dessin pour comprendre d’où vient le père de 3 fils.
“Dans ce quartier, je fréquentais d’abord le collège Simon Bolivar à la Rue Saint-Martin. Suite à la fermeture de cet établissement, j’ai fait un passage à l’école primaire Reine Juliana qui se trouvait à l’époque en face de Pont-Rouge. Quelque temps après, j’ai dû laisser cette institution scolaire parce que j’habitais trop loin et ma mère ne pouvait pas m’emmener à l’école à cause de ses occupations. Pis, un jour, j’avais failli me faire tuer par une voiture ”, nous raconte l’homme large de taille moyenne faisant l’histoire d’une enfance agitée.
D’un ton abaissé, le journaliste nous confie qu’il a grandi dans une famille monoparentale. “ Malheureusement, je suis né dans une famille où je suis l’unique fils. Mon père a lâché l’affaire dès mes 3 ans me laissant seul avec ma mère. En classe de préparatoire 1, c’était difficile quand elle a fait faillite dans ses activités. Elle se trouvait dans l’impossibilité de payer ma scolarité. Au même moment, ma grand-mère s’est éteinte. Se rendre en province, j’ai dû rester et perdre l’année scolaire ”, extrait d’un chapitre amer de l’enfance de Jean Paul Lundi vivant avec une mère débrouilleuse qui faisait tout son possible pour l’aider. Lavandière, « Madan Sara »…elle a même travaillé dans une factorie pour un salaire minimum de 15 gourdes.
“Ma mère s’est donné corps et âme pour subvenir à mes besoins, payer le loyer, l’école…Elle vendait de la pomme de terre. Un jour, elle était revenue d’une zone reculée pour les achats. Elle a laissé les marchandises aux Croix-des-Bossales, on avait brûlé le marché et tout s’était parti en fumée. Affectée par tout cela, ma mère était tombée malade et j’étais obligé de trouver du boulot dès mon plus jeune âge pour assumer certaines dépenses ”, transmet à cœur ouvert l’ancien élève du lycée Pierre E. Daniel Fignolé.
Problèmes académiques et autres, le Fortifiant ne s’est pas cédé face aux faiblesses. Comme dit le dicton « il n’y a pas de sots métiers, il n’y a de sottes gens ». Le premier vrai boulot de Jean Paul Lundi était garde du corps « Bodyguard ». Travaillé pour la compagnie « Cobra », entre 1997-1998, il a profité de prendre un cours de journalisme (École de formation des cadres en journaliste) à la Radio Caraïbes. Quelque temps après, il a trouvé un boulot comme journaliste sportif dans un média et a pu gagner un peu de sou. “ De là, j’avais commencé à rendre ma mère fière. Sans tarder, je me suis aussi rendu au institut technique et commercial pour étudier la communication. J’apprends le marketing et donne des cours de sciences sociales.” A-t-il scandé.
Amour pour le reportage
Jean Paul Lundi a commencé par cultiver la passion pour le reportage à la fin de l’année 2003, en couvrant à l’époque les manifs de l’opposition contre Jean Bertrand Aristide n’étant que journaliste reporter de Tropic FM.
“ Je suivais les chaînes étrangères aussi comme RFI, radio Canada… Hormis les félicitations toujours reçues, en 2010, je me suis rendu compte que je ne savais rien de cet art (le reportage) en travaillant pour Nations-Unies. ” A scandé l’ancien journaliste de Minustah FM où il a passé 7 ans et a sorti avec une formation spécialisée en reportage et en radio documentaire. “ À partir de là, j’ai eu une formation appropriée et j’ai obtenu une certaine maitrise de ce genre journalistique ”, a-t-il ajouté.
Jean Paul Lundi au sauvetage des journalistes en province
Recrudescence de l’insécurité et d’autres fléaux, l’ancien collaborateur de la radio Signal FM s’efforce bec et ongles afin d’apporter la formation utile et de poids aux journalistes ainsi qu’aspirants se trouvant dans les villes de province. “ Tout a commencé après la mort de Brignole Lindor après une visite à Petit-Goâve. Moi et Michée de Payen avons pris l’initiative de donner une formation adéquate aux travailleurs de presse. Implanté une école de journalisme dans la ville, chaque week-end, on s’y rendait … On avait une émission télévisée sur l’orthoépie. Malheureusement, tout cela s’était arrêté à cause des turbulences politiques de 2004 ”, explique-t-il.
Quelques années plus tard, le prof à l’ISNAC constatant qu’il y a beaucoup de Reporters dans les médias mais, faibles travaux, finit pas comprendre que les journalistes ont de la volonté de produire de grands reportages toutefois ils sont en manque de capacité. De ce fait, aujourd’hui, Jean Paul Lundi s’offre pour former des jeunes dans la branche. “Autre raison, c’est parce que je vais déposer la profession de journaliste. J’envisage de faire le passage du flambeau en donnant ma contribution pour l’émergence d’une nouvelle classe de Reporters ”, nous souligne le juriste.
Par cette initiative, il ne laisse pas les jeunes en province avec les soifs de connaissances. Ceci explique ses différents déplacements dans plusieurs grandes villes, tous les départements inclus, malgré l’insécurité grandissante. “ Ma plus grande motivation est de transmettre la connaissance ”, lance-t-il tout étant confiant sous un sourire de fierté. La dernière formation en date s’est déroulée à Jérémie, pas besoin de se demander son itinéraire, il a traversé bravement le Martyr Sang de Martissant.
“ Limbé, Hinche.. les villes où sont prévues les prochaines séances de formation. Jusque là, le feedback est positif. Les participants font connaissance avec de nouveaux principes ( format de reportage, angles de reportage, inspiration et accrochage de l’auditoire ).Toutefois, ce lancé cesserait en 2023 , pour cela, on profite de faire de notre mieux pour cette année en arpentant plus de villes et zones reculées que possible ”, a affirmé le professeur.
Réussite
Par rapport à sa carrière de longue durée, on a jugé bon d’aborder ce point lors de notre entretien. Sous sa costume et fraîchement rentré du parquet, le natif de Bas de Delmas préfère parler de réussite sur le plan social. Grâce à la profession, il a une certaine notoriété. Toutefois, sur le plan économique, il ne peut pas parler de réussite.
“Souvent, on pense que les journalistes ont de grands moyens. Pourtant, ce métier ne donne pas de l’argent. Si un journaliste a de la fortune, cela signifie qu’il a des activités parallèles en marche. Je le dis fréquemment, un jeune qui veut être journaliste doit apprendre quelque chose d’autre ou avoir une activité génératrice de revenu afin de gagner sa vie ”, rassure JPL tout en précisant : “ Cela ne doit pas être l’unique profession d’un jeune. Sinon, il ne pourra pas se reproduire. Pour avoir une famille… la rénumération ne sera pas suffisante aux multiples besoins.”
Fils du ghetto et héros
Jean Paul Lundi qualifie de miracle son échappement de sa zone de naissance parce que, selon lui, des innocents sont morts vainement. Lors de la guerre dans le quartier, si quelqu’un est ami avec un membre du groupe adverse, il est automatiquement une cible à abattre même quand il ne fait pas partie d’une troupe.
D’un autre côté, il se dit être un héros à cause de toutes les conditions étaient réunies pour qu’il se laisse emporter par la vague de la délinquance juvénile. En effet, il avait des difficultés pour se rendre à l’école. “ Je me rappelle, une fois, c’est un ami de la zone qui m’a donné un pantalon afin de me servir d’uniforme ”, confie-t-il révisant l’archive des moments obscurs.
Ses rêves et objectifs l’avaient permis de résister sur le terrain piégé de toute part. L’homme chevronné a eu la possibilité de traîner avec bandits notoires passés de présentation en jouant au foot, au théâtre… à titre d’exemple, le nommé « une balle à la tête » qui dirigeait Lassaline et Fort-Touron après la mort de « Ronald Cadavre », grandi dans le même corridor que « Ti Nesly » qui dirigeait la troupe « Dan fè », il a discuté des matches de championnat avec « Gwo Frantz » ancien militaire qui devenait après chef du groupe armé « Van Vire » à Delmas 2….
Conseils aux jeunes
Le journaliste Jean Paul Lundi a grandi avec des jeunes qui étaient devenus des tueurs, mais par sa conviction, lui, il a su se frayer une autre voie. À l’époque, il était plutôt très intéressé au club littéraire, la langue, jeu de correspondance, lecture et l’église l’a également aidé.
“ Je veux dire à tous les jeunes qui habitent dans les quartiers de non-droit que vous n’êtes pas condamnés. Je me rappelle quand je travaillais à la Radio Vision 2000 dans la soirée après mon travail, on ne pouvait pas aller me déposer chez moi puisque j’habitais dans le ghetto. Certaines personnes ne voulaient même pas croire que j’habitais cet endroit, selon eux, ces zones ne donnent pas les gens comme moi ” déclare-t-il. “ Sachez que vous devez avoir des rêves et savoir à qui vous êtes amis. Les fréquentations pèsent lourdement dans la balance. Dites vous qu’aujourd’hui vous habitez dans le ghetto et vous pouvez être différents. Vous n’êtes pas obligés de rentrer dans le vagabondage, le ghetto donne aussi des gens formés. Luttez afin que vous puissiez dire un jour, ce n’est pas la zone qui détermine nos destins. ” Conseils du prof adressés aux jeunes en prenant le journaliste Luckson Saint Vil, fils de Cité Soleil, comme exemple vivant.
En conclusion, on a profité pour questionner l’homme expérimenté sur le fonctionnement des médias dans le pays. Jean Paul Lundi pense que les médias ont un grand rôle à jouer pour une nouvelle Haïti en commençant par la régularisation des émissions et un coup d’œil soutenu sur les invités. Tout d’abord, nous devons nous conscientiser pour contrecarrer la descente aux enfers ; l’argent ne devrait pas être au premier rang, croit JPL qui a inspiré de Jean Dominique en apprenant ce métier.
«Pour qu’Haïti reste en vie, on doit s’unir. L’avenir appartient à ceux et celles qui luttent. À la jeunesse d’assurer la relève, le changement est entre leurs mains. »