L’enquête des autorités américaines sur l’assassinat de Jovenel Moïse en juillet dernier, va de bon train. L’entrepreneur Rodolphe Jaar, suspecté par la justice haïtienne dans le meurtre, a été, ce jeudi 20 janvier, au tribunal à Miami. Les accusations portées à son encontre par la justice américaine sont énormes.
Rodolphe Jaar, 43 ans, a accepté d’être transporté par avion à Miami, hier mercredi, après son arrestation en République Dominicaine. Il est accusé d’avoir rencontré un co-conspirateur haïtiano-américain qui lui a aidé à mener à bien le complot meurtrier et d’avoir aidé lui et les autres anciens soldats colombiens à se mettre en cavale à la suite de l’assassinat de Moïse, selon une plainte pénale du FBI et un affidavit descellé ce jeudi.
Ensuite, lors d’un entretien en décembre alors qu’il se cachait à Port-au-Prince et des semaines avant son arrestation, Jaar a admis aux enquêteurs américains qu’il “avait fourni des armes à feu et des munitions aux Colombiens pour soutenir l’opération d’assassinat”, indique l’affidavit du FBI. Aussi, il a déclaré que “ l’opération était passée d’une arrestation… « pour retirer Moïse de ses fonctions » à une opération d’assassinat après le plan initial de capturer le président Jovenel Moïse à l’aéroport international Toussaint Louverture et de l’emmener par l’avion n’a pas avancé.”
Ils n’ont pas tardé à lui emmener au tribunal, lors de sa première comparution devant le tribunal fédéral de Miami, ce jeudi. Jaar a été accusé d’avoir fourni un soutien matériel ayant entraîné la mort du président Jovenel Moïse et d’avoir conspiré pour le tuer ou le kidnapper en dehors des États-Unis. Par ailleurs, le magistrat Lauren Louis a chargé le bureau du défenseur public fédéral de le représenter parce que Jaar a déclaré qu’il n’avait ni argent ni actifs pour payer un avocat, a rapporté le journal américain Miami Herald.
Pour le moment, Rodolphe Jaar sera détenu au centre de détention fédéral de Miami, où il sera placé en isolement en raison de la pandémie de COVID-19. Il est prévu qu’il y aura une autre audience sur sa détention le mercredi prochain et sa mise en accusation le 3 février.
Le procureur adjoint des États-Unis, Walter Norkin, a déclaré qu’il demanderait la détention de Jaar, en notant qu’il était non seulement accusé d’un crime grave passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité, mais qu’il risquait de fuir. Il a également déclaré que Jaar avait été reconnu coupable de trafic de cocaïne il y a dix ans. Il n’a purgé que quatre ans de prison après avoir fourni aux autorités américaines des informations sur le trafic de drogue en Haïti.
L’enquête de la justice haïtienne rampe, pendant ce temps, plus de six mois après ce crime odieux, l’enquête américaine prend de l’ampleur alors que les enquêtes du FBI et de la sécurité intérieure continuent de se concentrer sur des suspects étrangers et du sud de la Floride, y compris une société de sécurité de la région de Miami, son propriétaire et d’autres suspectent de recruter une vingtaine d’anciens soldats colombiens et de leur fournir une formation, du matériel et d’autres formes de soutien avant l’assassinat du président.
Les enquêteurs américains ont assemblé leur propre dossier en utilisant le travail d’investigation de la police judiciaire d’Haïti. À rappeler que la DCPJ avait produit un rapport de 124 pages de son enquête exhaustive. Le rapport, obtenu par le Miami Herald, décrit des rencontres entre les différents suspects, dont Jaar, et des enregistrements de téléphones portables. Au cours de leur enquête parallèle, des agents fédéraux américains ont également reçu des SMS. Selon l’affidavit du FBI pour l’arrestation de Jaar, l’homme d’affaires haïtien a non seulement fourni des armes aux commandos colombiens pour mener à bien la mission ciblant le président Jovenel Moïse, mais a également rencontré un collaborateur anonyme, identifié comme “co-conspirateur #1”, l’un des trois Haïtiano-américains maintenant emprisonnés en Haïti. Selon Miami Herald, il s’agit de James Solages, qui prétend être un traducteur.
Lui qui se trouvait au domicile du président lorsqu’il a été tué et a crié que l’agression était une “opération DEA”. Selon des déclarations de témoins, Jaar a collaboré avec Solages et d’autres dans un complot visant à faire arrêter Jovenel Moïse à la mi-juin de l’année dernière à l’aéroport international Toussaint Louverture à son retour d’un voyage officiel de trois jours en Turquie.
Cependant, le plan a échoué car “l’avion privé affecté à cet effet n’était pas disponible”. «Selon des déclarations de témoins, Rodolphe Jaar était présent lorsque James Solages a obtenu la signature d’un ancien juge haïtien sur une demande écrite d’assistance pour poursuivre l’arrestation et l’emprisonnement du président Moïse, ainsi que prétendant accorder l’immunité haïtienne pour de telles actions, ” dit l’affidavit du FBI.
Mais après l’échec de ce complot initial, “le co-conspirateur numéro 1” [Solages] a voyagé d’Haïti à Miami le 28 juin et “a fourni le document à d’autres personnes”, indique l’affidavit. Toujours selon Miami Herald, James Solages a partagé ces informations avec la société de sécurité de la région de Miami, CTU, détenue par Antonio Intriago. “Selon des entretiens avec plusieurs co-conspirateurs détenus en Haïti, à ce stade, certains co-conspirateurs savaient, ou du moins croyaient, que le plan était d’assassiner plutôt que de kidnapper le président Moïse”, indique l’affidavit. Le 1er juillet, « le co-conspirateur n° 1 [Solages] s’est envolé de la Floride vers Haïti pour participer à l’opération.
Ni l’affidavit américain ni le rapport de la police haïtienne ne disent pourquoi les plans ont été modifiés. Mais quelles déclarations recueillies jusqu’à présent allèguent que le plan impliquait un large éventail de personnages, d’un médecin né en Haïti qui aurait embauché les Colombiens pour assurer sa sécurité à deux Américains d’origine haïtienne qui ont déclaré qu’ils étaient des traducteurs.
Au cours de l’enquête, la police haïtienne s’est fortement concentrée sur le rôle de la juge de la Cour suprême Wendelle Coq Thélot. Elle est accusée par les autorités policières haïtiennes d’avoir signé un document sollicitant l’assistance de la sécurité de la CTU.
Le médecin haïtien en question a recruté la CTU et la CTU a recruté les Colombiens. C’est le schéma , a déclaré Léon Charles, alors chef de la police nationale d’Haïti, en juillet, lorsqu’il a annoncé l’arrestation de Christian Emmanuel Sanon, le médecin né en Haïti accusé d’être un auteur intellectuel du complot. La CTU a ensuite inclus une copie du document signé avec la signature du juge Coq Thélot et du magistrat Gerald Norgaisse, demandant l’aide du propriétaire de la CTU, Intriago. Coq Thélot et Norgaisse ont tous deux nié que les signatures s’y trouvaient, et le patron de Norgaisse, Bernard Saint-Vil, qui supervise le juge affecté à l’enquête haïtienne, a également déclaré que la signature n’appartenait pas à Norgaisse.
Entre-temps, ce document est de retour au centre de l’enquête des autorités américaines. Il n’est que d’attendre pour voir les retombées de cette enquête tant suivie.