Ce mercredi 5 novembre 2025, à l’émission « Carel In The Morning » animée par le journaliste culturel Carel Pedre et diffusée sur la plate-forme First, la spécialiste en propriété intellectuelle Me Vanessa Abdel Razak a abordé les risques liés à l’enregistrement des droits de propriété intellectuelle en Haïti. Elle a dénoncé le manque d’engagement des autorités publiques dans ces procédures pourtant cruciales à l’ère du numérique. L’avocate est également revenue sur les aspects juridiques du litige opposant Wiss Joseph et Marie Joseph, propriétaires de Zafem World Entertainment, à la formation musicale Zafem, dirigée par le guitariste Dener Ceide et sa société Dener Ceide Inc.
Me Abdel Razak a rappelé l’importance de l’enregistrement du nom commercial en Haïti, qu’elle considère comme une étape essentielle pour protéger une marque et prévenir les conflits entre acteurs d’un même secteur.
Elle a souligné le caractère territorial de cette démarche : « L’enregistrement est territorial. Un entrepreneur peut le faire sur les marchés qu’il souhaite conquérir, ou encore opter pour la procédure de la Convention de Madrid afin que son nom soit protégé dans tous les pays signataires », a-t-elle expliqué.
L’avocate a également détaillé les démarches juridiques entreprises par les propriétaires du nom commercial Zafem, Wiss Joseph et Marie Joseph, lesquelles ont conduit à une condamnation de Dener Ceide à verser un million de dollars de dommages et intérêts pour utilisation non autorisée d’un nom de marque. Le 17 septembre 2025, le juge Brian Cogan a ordonné à Dener Ceide de cesser immédiatement l’usage du nom Zafem.
Malgré l’interjection en appel déposée par l’avocat du musicien, dans l’espoir de parvenir à un arrangement avec le magistrat en charge du dossier, la partie plaignante conteste toute tentative de contournement juridique.
Par ailleurs, Me Abdel Razak a insisté sur l’importance de l’enregistrement de la propriété intellectuelle, rappelant que l’absence de protection légale ouvre la voie à l’utilisation non autorisée des œuvres. Elle a précisé que, bien que la propriété intellectuelle ait une portée universelle, les lois diffèrent d’un pays à l’autre.
En Haïti, par exemple, la légalisation d’un nom commercial requiert l’intervention obligatoire d’un avocat, contrairement à d’autres juridictions, a-t-elle déploré. Elle a également déploré l’ancienneté du cadre légal haïtien, dont certaines dispositions remontent à 1954 , voire à plus de cent ans pour ce qui concerne les brevets, ainsi que le manque d’implication des autorités, malgré la ratification de plusieurs conventions internationales.
Enfin, Me Abdel Razak a regretté le manque de sensibilisation du public et la rareté de spécialistes dans le domaine de la propriété intellectuelle en Haïti. Elle a rappelé que le ministère du Commerce est la seule institution chargée de la légalisation des noms commerciaux, contrairement à d’autres pays dotés d’organismes spécialisés.
Tout en saluant les efforts de certaines structures locales, elle a dénoncé l’inaction des autorités envers les créateurs, citant l’exemple de l’écrivaine Yanick Lahens, contrainte de protéger ses œuvres à l’étranger. Selon elle, bien qu’il soit possible d’enregistrer une marque en Haïti, le processus demeure complexe, et les décisions judiciaires en matière de droits d’auteur restent quasi inexistantes, faute de juges spécialisés.
