Au cours des quatre dernières années, la capitale haïtienne et ses villes avoisinantes sont globalement contrôlées par des civils armés. Des rafales d’armes automatiques retentissent un peu partout dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince presque tous les jours, fragilisant la tranquillité de paisibles citoyens.
Entre la peur et le désespoir, les habitants ne savent plus à quel saint se vouer, ils n’ont plus de recours. Plusieurs d’entre eux ont dû fuir leurs maisons, errant comme de véritables nomades depuis plusieurs jours voire des mois, car les autorités étatiques ne font preuve, jusqu’ici, d’aucune volonté pour enrayer le grand banditisme qui est devenu la norme dans l’Haïti d’aujourd’hui.
Début des bouleversements
L’année 2018, marquée par un ensemble d’événements et de mouvements sociaux et populaires tels les émeutes du 6, 7 juillet et le pétrochallenge, a coïncidé à la montée progressive des bandes armées dans le pays, notamment dans les quartiers les plus pauvres de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.
Entre 2019 et 2020, les mouvements populaires et antigouvernementaux se sont intensifiés dans le pays pour réclamer de nouvelles conditions de vie. Le silence des autorités a été perçu comme un champ libre pour ces civils armés de prendre en otage la population déjà vulnérable. La situation continue de se dégrader sous les yeux passifs des responsables de l’État.
Malgré des exécutions sommaires et des massacres réalisés dans plusieurs quartiers populaires, les autorités étatiques ont toujours continué à demeurer dans un laxisme farouche.
Port-au-Prince, ceinturé par des gangs armés
Se rendre dans le Grand Sud du pays reste un véritable calvaire pour les citoyens. Que ce soit à Saint-Jude, dans les hauteurs de Carrefour-Feuilles, à Martissant, à Tara’s, dans les hauteurs de Pétion-Ville, et même dans la baie de Port-au-Prince, les bandits ont pris le contrôle total de ces voies. Ce sont au total quatre départements qui sont coupés du reste du pays.
Si le Directeur Général de la police Nationale d’Haïti, Frantz Elbé, avait annoncé en mai dernier que la troisième circonscription de Port-au-Prince allait bientôt être libérée de ses gangs armés, environ 5 mois après, c’est la même danse. Pire maintenant, aucune autre alternative pour les citoyens qui veulent se rendre dans le Grand Sud.
Canaan, couloir de la mort ?
La situation dans le grand Nord du pays ne diffère pas trop de celle du grand Sud. À Canaan, un vaste bidonville construit sous les yeux des autorités haïtiennes après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, a fini par engendrer d’autres bandits armés. Résultat : la vie des riverains qui fréquentent cette voie est constamment menacée. La police a essayé tant bien que mal de gérer la situation, mais sans grands résultats.
Pour preuve, il y a moins d’une semaine, des hommes armés ont mis le feu à un véhicule blindé de la Police Nationale d’Haïti montrant ainsi leur capacité à mettre en déroute les autorités.
Plusieurs étudiants sont victimes en traversant Canaan.
Croix-des-Bouquets et Tabarre
Dans les communes de Tabarre et de Croix-des-Bouquets, les bandits armés constituent une véritable force de nuisance. À Croix-des-Bouquets, la deuxième plus grande commune du pays, le nommé Lanmò San Jou s’érige en maître et seigneur. Kidnapping, vol, viol et assassinat, voilà, entre autres, le quotidien des habitants de cette municipalité. À Tabarre, où vit l’ancien président d’Haiti, Jean Bertrand Aristide, la situation reste la même. Le nommé Vitélhomme Innocent, activement recherché par la Police Nationale d’Haïti impose sa loi sur une grande partie de cette ville. Une situation qui a contraint plusieurs habitants à fuir leurs quartiers.
À Cité Soleil, la violence s’intensifie
Au début du mois de juillet, deux coalitions de gangs armées, “G-9 an fanmi e alye” et G-PEP” se sont livré bataille pendant plusieurs jours, occasionnant ainsi la mort de 234 citoyens et plusieurs centaines de blessés. Des femmes ont été victimes de viol dans le plus vaste bidonville de la Caraïbe, selon les rapports des organismes de défense des droits humains. Pour échapper à la fureur des civils armés, plusieurs centaines de personnes se sont réfugiées sur la place Hugo Chavez, non loin de l’aéroport Toussaint Louverture à Tabarre.
À Pétion-Ville, le tableau est sombre, les bandits sont rois
La commune de Pétion-Ville, réputée, dans le passé, comme une zone résidentielle est aujourd’hui sous la menace des gangs. En effet, plusieurs quartiers de cette commune sont contrôlés par des bandits armés. À Laboule 12, un quartier réputé aisé, un conflit terrien entre deux bandes armées a fait naître une violence sans précédent. Plusieurs personnalités importantes sont déjà tuées dans ledit quartier.
Quand est-il de Port-au-Prince ?
Le Centre-Ville de Port-au-Prince et une bonne partie du bas de Delmas sont aux mains des hommes armés. La grande rue, connue dans les années 90 et au début des années 2000, comme un véritable centre commercial, n’est plus ce qu’elle représentait. C’est un centre-ville abandonné dans des piles d’immondices. Un véritable cimetière. Elle est devenue pour le moment, l’une des voies les plus difficiles à traverser. Un bastion de bandit.
Crédit photo (1): Dieu-Nalio Chery