Qui est Lula da Silva, cet homme qu’est de retour au pouvoir après 12 ans?

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Luiz Inácio Lula da Silva, tout juste âgé de 77 ans, a remporté ce dimanche 30 octobre 2022 le second tour de l’élection présidentielle au Brésil face à Jair Bolsonaro avec 50,9 % des suffrages. Selon plusieurs observateurs, c’est le scrutin présidentiel le plus serré de l’histoire du Brésil. Le président d’extrême-droite sortant a eu le support des stars comme Neymar, Rivaldo, Ronaldinho, Romario…

Qui est Lula ?

Luiz Inácio Lula da Silva, plus souvent appelé « Lula », est né le 27 octobre 1945 dans le village de Caetés, État de Pernambouc. Homme d’État brésilien, président de la République du 1ᵉʳ janvier 2003 au 1ᵉʳ janvier 2011, il est le septième et avant-dernier enfant d’une famille modeste. Fuyant la misère de la campagne de sa région natale du Nordeste, son père part s’engager comme docker dans le port de Santos à 72 km de São Paulo.

Ouvrier métallurgiste de profession, il a eu plusieurs épouses, dont Rosângela Da Silva, l’actuelle et Marisa Letícia (1974–2017). Il est l’auteur de plusieurs livres, dont « Truth Will Prevail: Why I Have Been Condemned ».

Dans les années 1960, le Brésil connaissait un boom économique, mais qui n’a pas profité à la classe ouvrière. D’abord peu politisé, Lula s’engage dans le syndicalisme après un drame familial : la mort de sa femme en couches, avec leur premier enfant. À 21 ans, Lula adhère au syndicat de la métallurgie, dont il devient le président en 1975. Ses talents d’orateur et de négociateur sont remarqués et il s’impose comme une figure du syndicalisme brésilien, avec son épaisse barbe et ses cheveux en bataille.

Plus tard, le syndicaliste décide de passer à un autre niveau et il s’intègre à la politique en 1980 en fondant le Parti des travailleurs (Partido dos Trabalhadores), mouvement d’inspiration socialiste, à une époque où le général João Figueiredo préparait lentement le pays au retour de la démocratie.

En 1982, le chrétien d’inspiration catholique est candidat, pour la première fois, au poste de gouverneur de l’État de São Paulo, puis il commence à constituer ses propres réseaux d’influence en faisant élire ou nommer des militants de son parti dans les mairies, au Parlement et dans les sphères des affaires de l’État.

Les démarches apportent des fruits. En 1986, Lula est élu député et rentre au Congrès et participe à la Constitution. Et, en décembre 1989, se déroulent les premières élections démocratiques depuis trente ans dans le pays. C’est à ce moment qu’il s’est présenté pour la première fois à la présidence de la République.

Malgré tous ses efforts, il a perdu face à Fernando Collor de Mello, candidat soutenu par la plupart des médias et dont le budget de campagne atteint les 100 millions de dollars, qui devient le premier président de la République réellement élu par le peuple après 1960.

En 1994, le Brésil met en œuvre un nouveau plan d’austérité économique pour pallier les conséquences de la récession mondiale. Lula se présente une deuxième fois à la présidence. Fernando Henrique Cardoso est élu président de la République avec 54,3 % des suffrages exprimés, contre 27 % à Lula.

Courageux et déterminé, en 1998, Lula se présente une troisième fois à la présidence, mais il est battu dès le premier tour. Enfin, le 27 octobre 2002, Luiz Inácio Lula da Silva est élu président de la République au second tour de l’élection présidentielle, face à José Serra et prend ses fonctions le 1er janvier 2003.

Beaucoup d’avancées sont remarquées dans le pays fin 2003 et les objectifs fixés par le FMI ont été atteints. À ce fait, Lula annonce que la période de rigueur est arrivée à son terme. La reprise économique se confirme au Brésil à la fin du premier semestre 2004, avec l’augmentation de la production industrielle et la baisse du chômage.

En 2003, le président lance la « Bolsa Família », un programme d’allocations familiales considéré comme le principal pilier de sa politique de lutte contre la pauvreté. Le revenu des plus pauvres progresse de 14 % en 2004, la Bolsa Familia comptant selon les estimations pour les deux tiers de cette croissance. En 2004, il lance le programme des « pharmacies populaires », destinées à rendre accessible aux plus défavorisés les médicaments jugés essentiels. En 13 ans d’existence du programme (supprimé par le gouvernement conservateur de Michel Temer en 2017), 43 millions de Brésiliens en bénéficieront.

À l’été 2007, Lula a débloqué 2,6 milliards d’euros pour améliorer les conditions de vie dans les favelas (collecte d’eaux usées, raccordement à l’eau potable, à l’électricité, goudronnage des principales voies d’accès). Selon les informations des organismes internationaux, durant sa présidence, quelque trente millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté. La malnutrition a reculé de 70 % et la mortalité infantile de 47 %. En reconnaissance de ses résultats, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) lui décernent en mai 2010 le titre de « champion mondial dans la lutte contre la faim ».

Dans la crise brésilio-bolivienne, Lula a surpris le monde. En mai 2006, il qualifie de « souveraine » la décision du président bolivien Evo Morales de nationaliser les champs de gaz boliviens exploités par Petrobras, alors que d’autres exigent l’envoi de troupes brésiliennes pour riposter contre le gouvernement bolivien. Il met également fin à la vieille dispute avec le Paraguay en acceptant de revoir les termes de l’exploitation du barrage d’Itaipu.

Lula quitte la présidence avec un taux de popularité atteignant 87 % selon l’institut Ibope. Alors qu’il ne peut briguer un troisième mandat consécutif, sa chef de cabinet et « protégée » Dilma Rousseff lui succède le 1er janvier 2011. Désigné personnalité de l’année 2009 par le journal Le Monde, Lula est classé l’année suivante par le Time comme le dirigeant le plus influent au monde.

Affaire Petrobras et son emprisonnement

Lula a passé du temps entre quatre murs. À partir de 2011, il est mis en cause dans plusieurs affaires judiciaires, notamment pour corruption, blanchiment d’argent, détournement de fonds publics et entrave à l’exercice de la justice.

L’ancien président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, montré sur cette photo de dossier du 12 août, fait face à plusieurs accusations et a déjà été condamné à 9 ans et demie de prison dans une affaire. Il est attrayant. (APU GOMES / AFP/GETTY IMAGES)

Et, l’ancien président se défend d’avoir commis tout acte illégal et affirme que les poursuites dont il fait l’objet sont le résultat de la volonté des « élites » de l’écarter de la course à l’élection présidentielle de 2018. Dès la réélection de Dilma Rousseff en 2014, Lula laisse en effet connaître son intention de briguer un troisième mandat présidentiel.

La principale affaire le visant s’inscrit dans le cadre du scandale Petrobras. Il est accusé d’être intervenu pour l’attribution de contrats à l’entreprise pétrolière Petrobras en échange de 3,7 millions de reals, dont un luxueux appartement. En juillet 2017, le juge Sérgio Moro le condamne à neuf ans et six mois de prison pour corruption passive et blanchiment d’argent.

En appel, en janvier 2018, la peine est portée à douze ans et un mois d’emprisonnement. Toutefois, les partisans de Lula et des spécialistes du Brésil remettent en cause le bien fondé juridique de cette condamnation, notamment l’absence de preuve matérielle, dénonçant un parti-pris de la justice brésilienne.

Le 4 avril 2018, dans un contexte de fortes tensions dans le pays, les juges de la Cour suprême rejettent la demande d’Habeas corpus de Lula, ce qui ouvre la voie à son emprisonnement. Le 7 avril, l’ancien président se constitue prisonnier. Son arrestation répond à une nouvelle jurisprudence, la Constitution brésilienne indiquant pourtant qu’aucun justiciable ne peut être arrêté avant la fin de la procédure.

Malgré ses ennuis judiciaires, il est désigné candidat du Parti des travailleurs à l’élection présidentielle de 2018. Ce qui ne va pas être possible et il a été remplacé. Et, dans le cadre de l’affaire de la rénovation d’une propriété, en février 2019, il est condamné à 12 ans et 11 mois de réclusion pour corruption et blanchiment. En avril suivant, sa première peine est réduite à huit ans et dix mois d’emprisonnement.

Le journal d’investigation The Intercept affirme, en juin 2019, que le juge Sérgio Moro devenu ministre de la Justice de Jair Bolsonaro et les enquêteurs chargés de l’enquête anticorruption Lava Jato auraient comploté entre eux pour empêcher Lula de se présenter à l’élection présidentielle de 2018. Le Tribunal suprême fédéral décide alors de reprendre son procès.

En octobre 2019, après avoir accompli le sixième de sa peine, Lula rejette tout régime de semi-liberté, déclarant préférer prouver son innocence et estimant qu’accepter la mesure équivaudrait à un aveu de culpabilité. Puis le 8 novembre 2019, au lendemain du changement par la Cour suprême de la jurisprudence sur l’Habeas corpus, il est libéré, sa condamnation n’étant pas jugée définitive.

Il est alors accueilli par plusieurs de ses partisans, dont sa compagne Rosângela da Silva, avec qui il se remarie en 2022. Il reste mis en examen dans six affaires de corruption. Il est acquitté en décembre pour l’une de ces accusations.

En mars 2021, Edson Fachin, juge au Tribunal suprême fédéral, annule les condamnations visant Lula, estimant que le tribunal de Curitiba n’était pas compétent pour juger les quatre affaires, le concernant. Celles-ci étant renvoyées devant un tribunal fédéral de Brasilia. En attendant de nouveaux jugements, les droits politiques de Lula sont restaurés et sa candidature à l’élection de 2022 est possible. En avril 2021, le Tribunal suprême fédéral confirme l’annulation des condamnations et le Tribunal établit dans un jugement la partialité du juge Sergio Moro, celui-ci s’étant entendu avec des enquêteurs pour faire écarter Lula de l’élection présidentielle de 2018.

Luiz Inácio Lula da Silva à la Cour suprême du Brésil /©️: Mauro Pimentel/AFP/Getty Images

En avril 2021, l’ancien président est acquitté de sept des onze chefs d’accusation retenus contre lui, mais doit encore être jugé dans quatre affaires, plus mineures.

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU conclut en 2022 que l’enquête ayant conduit Lula en prison en 2016 n’a pas respecté ses droits. L’enquête Lava Jato est désormais considérée comme « le plus grand scandale judiciaire de l’histoire du Brésil ». Des enquêtes ont démontré comment les procédures furent entachées de nombreuses irrégularités et de confusions, ont révélé des messages compromettants échangés entre les procureurs et le juge Moro en dehors de tout cadre légal, et souligné les motivations politiques de magistrats qui ont instrumentalisé l’enquête afin de neutraliser le Parti des travailleurs dont Lula est le leader.

Lors de la confirmation de sa candidature à la présidentielle 2022, Lula appelle à lancer une procédure de destitution contre le président Jair Bolsonaro, accusé d’interférences dans des affaires judiciaires et critiqué pour sa gestion de la crise sanitaire de la Covid-19.

De retour aujourd’hui au pouvoir, l’investiture de Lula en tant que 39e président de la République fédérative du Brésil devrait avoir lieu le 1er janvier 2023.

Notons qu’il a reçu en 2003 le prix Princesse des Asturies de la coopération internationale, en 2006 le prix de l’« Homme d’État de l’année » et en 2007 le prix Lech-Wałęsa « pour avoir fait des efforts pour réduire les inégalités sociales, et avoir été l’avocat d’une compréhension pacifique et d’un partenariat entre les nations, en particulier en renforçant la position des pays en développement dans le concert des nations ». Il est également récipiendaire de la médaille Grand Vermeil de la Ville de Paris et lauréat du prix « Mondial UIT des télécommunications et de la société de l’information ». Docteur honoris causa, plusieurs universités lui ont décerné un doctorat honoris causa, dont : Sciences Po Paris (France); Université de Coimbra (Portugal) ; Université pontificale de Salamanque (Espagne) ; Université nationale de Rosario (Argentine).

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