Haïti-Insécurité : le BINUH recommande au Conseil de sécurité de l’ONU de mettre à jour la liste des sanctionnés

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Le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a publié le mardi 28 novembre 2023 un rapport sur la violence des groupes criminels en dehors de Port-au-Prince, particulièrement sur le calvaire que vivent actuellement les habitants de la région du Bas-Artibonite. Une vie quotidienne alimentée par les meurtres, enlèvements, viols, attaques de propriétés agricoles et de véhicules de transport en commun.


Les enquêtes menées par ces organismes ont permis de mettre à jour le niveau de barbarie régnant dans cette région d’Haïti. “ Entre janvier 2022 et octobre 2023, plus de 1 690 personnes ont été tuées, blessées ou enlevées dans des localités rurales du Bas-Artibonite, situées à une centaine de kilomètres au nord de la capitale, Port-au-Prince. Ces violations sont en nette accélération depuis juillet 2022 ”, relève ce rapport.


En effet, le BINUH détaille qu’entre le 1er janvier 2022 et le 31 octobre 2023, 350 personnes ont été tuées, 226 blessées et 1 118 enlevées dans cette région. Et, la grande majorité des victimes sont des hommes (70 %) suivis des femmes (29 %) et des enfants (1 %).


La violence qui fait partie désormais du quotidien des Haïtiens s’étend inéluctablement en dehors de la capitale, Port-au-Prince. “ Au moins 20 groupes criminels, incluant les gangs et les groupes d’autodéfense, sévissent dans cette région du pays. Extrêmement violents, ils n’hésitent pas à exécuter les populations locales lors d’attaques de villages considérés comme « rivaux » et à brûler des personnes enlevées pour forcer leurs familles à payer les rançons ”, a documenté le représentant de l’ONU en Haïti. En plus, les violences sexuelles sont utilisées comme une arme contre les femmes, voire même les jeunes enfants.


L’agriculture en paye aussi les frais. De fait, les gangs, et ceux qui les soutiennent, ont aussi fait des agriculteurs et des propriétés sur lesquelles ils travaillent, des cibles privilégiées. Rançonnements, vols de récoltes et de bétails, destruction de canaux d’irrigation, ont contraint plus de 22 000 personnes à fuir leur village pour trouver refuge dans les centres urbains de la région. Ces déplacements ont d’ores et déjà conduit à la réduction des terres cultivées et l’endettement de nombreux agriculteurs et commerçant(es) incapables de rembourser leurs emprunts. Les effets aggravants de cette situation se font déjà sentir sur l’accès à l’alimentation dans le Bas-Artibonite où, en septembre 2023, plus de 45 % de la population vivaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë, lit-on dans ce rapport.

L’empreinte des gangs criminels armés de Port-au-Prince dans la violence au Bas-Artibonite


Les bandes armées de Port-au-Prince s’étendent leurs pagailles au-delà de la capitale.

En effet, selon le rapport d’enquête, dans l’Artibonite, les groupes criminels les plus importants et les plus violents sont soutenus par des gangs de la coalition G-Pèp, en particulier celui de Village de Dieu. Grâce à ces alliances, cette coalition a réussi non seulement à isoler, sur une distance de plus 80 kilomètres au nord de la zone métropolitaine, la route nationale #1 et les principales villes situées sur le front de mer, mais aussi à contrôler les points de passage menant vers, et arrivant, des régions du Nord. “ Une emprise territoriale qui favorise assurément la circulation illicite des armes et de la drogue ”, mentionnent les enquêteurs.


Et, les responsables rappellent que le récent rapport du groupe d’experts des Nations unies ainsi que les récentes sanctions financières prises par plusieurs pays de la région contre 39 personnalités haïtiennes parmi lesquelles figurent trois (3) hommes actifs politiquement en Artibonite, ont aussi mis en lumière les possibles protections dont pouvaient bénéficier ces groupes criminels.


Police et justice

Le rapport d’enquête indique que, face à la montée de cette violence et à l’augmentation des abus des droits de l’homme, la réponse des autorités policières et judiciaires a été inadéquate et inconsistante. “ Si des opérations policières ont été conduites à la fin de l’année 2022 et au cours du mois d’octobre 2023 dans certaines communes du Bas-Artibonite, elles n’ont pas permis d’endiguer les groupes criminels sur le moyen et le long terme. Invoquant un manque de moyens opérationnels, certains cadres de la Police National d’Haïti (PNH) dans l’Artibonite s’estiment incapables d’empêcher l’expansion de ces gangs. D’autres s’appuient sur des groupes d’autodéfense pour mener des actions violentes contre des villageois vivant dans des zones sous l’influence de ces mêmes gangs ”, documentent les enquêteurs.


La justice n’a pas fait mieux. Des magistrats ont certes ouvert des enquêtes et arrêté quelques membres de gangs, sans pour autant que cela aboutisse à des jugements et à un affaiblissement des capacités de ces gangs. Au contraire, de manière symptomatique, l’un des leaders de gangs les plus connus, celui de Kokorat San Ras, a été libéré illégalement en mars 2023 par l’ancien Commissaire du gouvernement des Gonaïves. Ces deux personnes sont en fuite depuis lors, rappellent le BINUH et le HCDH.


Dans cette spirale de violence, il y a les attaques contre les commissariats, les policiers et les tribunaux qui se sont multipliées en 2022 et en 2023. Au moins huit (8) policiers, dont ceux de Liancourt en janvier 2023, ont ainsi été tués par des membres de ces groupes criminels régnant sur le département de l’Artibonite.


Recommandations du BINUH et du HCDH

À ces faits, le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ont fait des recommandations tant qu’aux autorités locales et internationales.


La propagation de la violence en dehors de la zone métropolitaine de Port-au-Prince où entre le 1er janvier 2022 et le 31 octobre 2023, presque 9 000 personnes ont été tuées, blessées ou enlevées appelle au renforcement des forces de police et au déploiement le plus rapidement possible de la mission multinationale d’appui à la sécurité, dans des conditions conformes aux normes et standards internationaux en matière de droits de l’homme, telle qu’adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations unies dans sa résolution 2699 (2023), recommandations faites dans ledit rapport.


Et, au regard de la détérioration de la situation des droits de l’Homme à travers le pays, il est primordial qu’en conformité avec la résolution 2653 (2022), le Conseil de Sécurité des Nations unies mette à jour la liste des personnes et entités visées par des mesures de sanctions pour avoir appuyé, préparé, donné l’ordre de commettre ou commis des actes contraires au droit international des droits de l’homme, selon le BINUH.


De plus, les organismes de l’ONU indiquent que ces mesures doivent aussi s’accompagner d’actions d’envergure des autorités haïtiennes qui doivent remplir leurs obligations internationales et respecter leurs engagements en matière de droits de l’homme. Ainsi, il est urgent que les représentants de la police et de la justice reçoivent l’appui nécessaire et connaissent une revalorisation de leur statut, notamment une augmentation de leurs salaires, pour être à même de protéger les populations et de poursuivre avec célérité les auteurs de crimes, mais aussi ceux qui les appuient et financent. En même temps, les personnels de la police et de la justice impliqués dans des violations des droits de l’homme et des actes de corruption, doivent être sanctionnés dans les plus brefs délais par leurs institutions et jugés en conformité avec le droit national et international.

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