La manifestation du samedi dernier, visant à déloger les bandits armés de Canaan, a laissé une sensation amère. Mercredi, plusieurs familles et proches de victimes se sont rendus au local du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH),en vue de présenter leurs doléances, dénonçant le Pasteur Marco, initiateur de cette marche tournée au vinaigre.
Seuls les groupes armés dispersés dans toute la zone métropolitaine de Port-au-Prince ont la voix au chapitre. En toute liberté, ils commettent diverses exactions envers la population civile.
Effectivement, de nombreux adeptes de l’église évangélique Piscine de Bethesda, sous la direction de leur pasteur Marcorel Zidor alias Marco, ont emprunté la route nationale N°1 dans le but de déloger les bandits armés de Canaan surnommés “Les Talibans”, dirigés par un certain Jef. Ce dernier est placé sous les ordres d’Izo, le chef de gang du village de Dieu.
Plusieurs d’entre eux ont été abattus par les bandits armés de Canaan, sans oublier le nombre de blessés. Les criminels n’ont manifesté aucune pitié envers ces chrétiens protestants.
Jusqu’à présent, il est difficile d’établir un bilan exact de cet événement tragique. Cependant, les vidéos amateurs partagées par les criminels ainsi que les doléances donnent une idée.
En effet, plus d’une vingtaine de familles et de proches des victimes de ce massacre ont exposé leurs doléances au local du RNDDH, accusant le pasteur Marco de l’église évangélique Piscine de Bethesda d’être responsable de ce carnage.
“Lorsque l’on souhaite organiser une manifestation de ce genre […], il aurait fallu informer la police et obtenir le consentement préalable des bandits armés pour obtenir une autorisation”, déclare François Pierre, le frère aîné de la défunte Antoinette Jacqueline, sans tenir compte de l’objectif de la marche.
Selon lui, le pasteur Marco a eu tort car, “d’un point de vue spirituel, si vous avez une mission à accomplir, vous devriez d’abord vous interroger avant d’y participer pour savoir quoi faire”.
Néanmoins, il tient à saluer le travail du pasteur en le jugeant louable. “Ce dernier avait la capacité de prendre cette initiative, je ne lui reproche pas grand-chose, mais il lui manquait quelques éléments pour éviter cette catastrophe”, soutient-il, affirmant que sa sœur est décédée pour une noble cause : la liberté.
Mère de deux enfants âgés de 12 et 10 ans, Martine Cadet est portée disparue. Depuis le massacre de Canaan, sa sœur Roseline Cadet, inconsolable, n’a pas eu de nouvelles d’elle alors qu’elle participait à la manifestation.
Prévoyant de déposer plainte contre le pasteur accusé d’être responsable de cette perte, Roseline reste sceptique quant à l’obtention de justice pour sa sœur.
“Cet incident n’aurait pas dû se produire si la police avait assumé ses responsabilités”, lâche Naderge, qui réclame justice pour son oncle Augustin, également tué par les Talibans à l’âge de 73 ans lors de la marche.
“Il était [Estéquère Timothé], tout pour moi, il pourvoyait à tous mes besoins, j’étais sa fille adoptive”, déclare Estéquère Roslamouse, la nièce du défunt, exprimant le désespoir qu’elle ressent pour son avenir.
Les bandits armés de Canaan ont été impitoyables envers les chrétiens protestants, entraînant une véritable perte en vies humaines. Cela reflète le niveau élevé de criminalité en Haïti.
Et la justice haïtienne?
Alors que de nombreuses personnes accusent la police nationale d’Haïti d’être responsable du carnage survenu dans une zone considérée comme territoire perdu, le Directeur général a.i de l’institution policière, Frantz Elbé, tente cependant de se déresponsabiliser lors d’une conférence de presse qui a eu lieu moins de 72 heures après l’incident tragique.
Il affirme que la police avait établi des périmètres de sécurité pour empêcher les participants de s’approcher de la zone, une fois informée de la situation. Des pourparlers avec les organisateurs ont également été entrepris pour éviter que la situation ne dégénère, selon M. Elbé.
De son côté, la Fondation Je klere (FJKL) estime qu’une stricte application de la loi est nécessaire en réponse à ce massacre, souhaitant que la justice se montre impitoyable envers les auteurs et les complices.
Invité au Parquet de la Croix-des-Bouquets le lundi 27 août par le commissaire du gouvernement Roosevelt Zamor dans le cadre de cette affaire, le pasteur Marco a décliné l’invitation.
Le leader religieux est attendu ce vendredi 1er septembre 2023 au Bureau des Affaires Criminelles de la DCPJ, en compagnie d’Abia Bernardeau, Mud-Laude Montas et Jonal Louissaint. Ils sont tous des responsables de l’église Piscine de Bethesda.
Crédit photo: une proche des victimes du massacre de Canaan exposant ses doléances, le 29 août 2023, au local du RNDDH/ Souffrant Guerking/Passion Info Plus